Sohail Salem | Dessin

du mercredi 5 novembre 2025
au mercredi 26 novembre 2025

A propos de l’expo « Dessiner au stylo sur des cahiers d’écoliers, dans l’espoir que la lumière ne meure pas »

Dévernissage le 26 NOVEMBRE à 19:00 : vente des œuvres !

« Malgré le bruit continu des drones dans le ciel de Gaza et celui des explosions qui me donnent mal à la tête et me déconcentrent au point de devenir momentanément amnésique d’une main tremblante, je m’efforce de dessiner et de publier autant que possible mes dessins sur les réseaux sociaux. Grâce à cette page bleue si froide qui se réchauffe à la présence des amis, par mes dessins j’adresse au monde un appel au secours. Pour les amis je vais bien, des proches, des amis, des voisins ont disparu: Gaza la belle est détruite. Pour trouver de quoi dessiner je vais chez les marchands dans les rues de Deir al Balah. Il faut d’abord acheter de quoi manger puis payer le loyer du garage où je vis, les prix s’envolent en ces temps de guerre. Plus d’endroit où travailler, c’est le désordre et l’entassement familial. Je me réfugie dans ces cahiers d’écolier que je transporte dans ma petite valise avec des crayons, élaborant dessin après dessin un journal de cette mémoire visuelle.

Au début de la guerre, malgré les dangers je refusais de partir dans le sud. Mais Al rimal, le quartier sud de Gaza où j’habitais a été envahi par l’armée israélienne, j’ai été arrêté et détenu, séparé de ma famille qui, de son côté à dû se refugier à pied vers Deir al balah, c’était le 18 janvier 2024 après 105 jours de guerre. J’ai subi un interrogatoire, mains liée et les yeux bandés. Des caractères hébreux ont été inscrits sur mon front, certains se demandaient si cela signifiait que je serais le premier à être exécuté. Après de longues heures d’interrogatoire, j’ai finalement été relâché et jai marché 7 heures pour rejoindre Deir al balah où j’ai mis deux jours à retrouver ma famille.

Dessiner me paraissait alors futile, comment dessiner dans ces circonstances ? Mon esprit était très ébranlé par le bruit des bombardements incessants. J’ai commencé à dessiner ensuite à Deir al balah, il était devenu important d’évacuer les scènes tragiques qui s’étaient accumulées en moi, la plus terrible étant celle des corps que j’ai dû enjamber lors de mon déplacement forcé. La promiscuité des déplacés et le volume sonore des informations à la radio m’ont poussé à m’isoler chaque matin afin de croquer au calme les évènements, la peur et la colère sur les feuilles de mes cahiers. Une œuvre se doit d’être produite en temps et en lieu. Ce n’est pas un simple arrangement de couleurs et de formes sur un espace vide. Une œuvre dévoile en une image l’accumulation intériorisée de mes états d’âme, de mes ambitions, de mes espoirs et de mes peines. » 

Sohail Salem le 30.12.2024