MAMAN PLEUT DES CORDES
Jeanne, huit ans, est une enfant énergique et autonome. Elle vit avec sa mère, Cécile, qui traverse une dépression après la perte de son emploi dans un restaurant. Son père est musicien, et souvent absent lorsque son groupe est en tournée.
À la veille des vacances de Noël, la mère de Jeanne lui annonce qu’elle l’envoie quelque temps chez sa grand-mère maternelle, Mémé Oignon. La fillette pense que ses deux parents veulent se « débarrasser » d’elle et se met en colère.
Jeanne arrive au Hameau de l’Enfer, où vit Mémé Oignon. Le temps est triste et pluvieux, mais sa grand-mère l’accueille avec joie et une énergie débordante. Là-bas, Jeanne rencontre Cloclo, un géant farfelu et solitaire, qui va lui faire découvrir les sons de la forêt et lui présenter Sonia et Léon, deux enfants des environs. Jeanne s’initie aussi à la cuisine avec Mémé, qui l’embarque dans la fabrication de tartes à l’oignon, la spécialité familiale…
MAMAN PLEUT DES CORDES est précédé de
Le Monde de Dalia, France, 2020 | 3 minutes
Réalisation : Javier Navarro Avilés.
Animation 2D.
Dalia se promène avec son père et découvre avec émerveillement une serre tropicale. Elle s’éloigne un peu pour prendre un colibri en photo et le perd de vue. Un monde fantastique se déploie alors devant elle.
Tout sur maman, Russie, 2015 | 7 minutes
Réalisation : Dina Velikovskaya.
Animation 2D.
C’est l’histoire d’une mère qui a déjà tant donné à ses enfants qu’il semble ne plus rien lui rester. Mais la vie lui offre soudain de nouvelles opportunités.
Le Réveillon des babouchkas, Russie, 2019 | 8 minutes
Réalisation : Natalia Mirzoyan.
Animation 2D.
Maschunya reste à contrecœur chez sa grand-mère pour fêter Noël, mais la soirée prend une autre tournure quand arrivent les invitées…
Entretien avec le réalisateur Hugo de Faucompret (issu des ressources disponibles sur Nanouk)
Si je te dis… la cabane de Cloclo ?
C’est un refuge, déjà, parce que Cloclo est un personnage qui est marginal. On ne sait pas trop d’ailleurs, c’est un personnage qui garde un mystère, et j’aimerais bien le conserver. Est-ce qu’il est magicien, est-ce qu’il ne l’est pas ? Est-ce que c’est un ogre, est-ce que ce n’est pas un ogre ? Est-ce qu’il vient d’un autre monde ou pas du tout ? Est-ce que tout cela vient de l’imagination de Jeanne face à l’étranger et au nouveau qui déborde ? La cabane de Cloclo, pour moi, c’est ça, c’est un peu le lieu de l’imaginaire camouflé, caché dans un recoin de forêt ; et qui nous demande d’être un peu attentifs pour le voir, quand il est caché sous la neige ou autre. Et donc, c’est aussi le refuge de ce personnage qui n’a pas forcément trop sa place, qui cherche un peu où se mettre, finalement. […]
À l’écran, il passe pour un sans-abri, alors qu’il a une cabane. Il y a la notion de cabane, aussi, c’est la notion de l’échappée, le fait d’avoir besoin de peu de choses pour vivre bien. Parce qu’en fait, il ne s’en plaint pas, lui, de sa condition. Enfin, à des moments il peut s’en plaindre, mais disons qu’il est aussi assez en phase avec les choix qu’il a faits. Ce n’est pas parce qu’on vit dans une cabane dans la forêt qu’on est pauvre et qu’il nous manque tout, peut-être qu’on a déjà tout. […]
Et puis, c’est peut-être un fantasme personnel aussi, je risque de finir mes jours dans une cabane. J’ai encore le temps, je vis encore en ville, etc., mais c’est un petit fantasme lointain.
Si je te dis… la part d’ombre des décors et des personnages ?
C’est peut-être le point de départ. Tout démarre dans l’ombre et on décide de mettre de la lumière par endroits. J’aime bien le travail de l’ombre et de la lumière, notamment dans la cabane de Cloclo. Les lumières y sont particulières, enfin c’est essentiellement de l’ombre avec de petites zones de lumière ici et là.
La part d’ombre des personnages, eh bien ça tourne quand même autour de Cécile ; même si on la voit peu dans le film, c’est le sujet central. Je trouvais ça intéressant de faire un film qui parle d’un sujet, mais en étant avec un autre personnage – qui est concerné directement quand même parce que c’est sa fille. Et en même temps avec pudeur aussi, parce que c’est compliqué d’aborder la dépression frontalement. Nous, ça nous a aussi posé beaucoup de problèmes pour faire exister le film. Si tu dis à des gens qui sont censés être tes futurs partenaires « donc c’est un film sur la dépression, mais c’est pour les enfants, ne vous inquiétez pas ! », ça ne passe pas du tout. […] J’ai appris avec Antoine et Ivan, mes producteurs, que le métier de producteur n’était pas aussi simple que ce que l’on s’imagine, que ce n’est pas juste une histoire d’argent.
Si je te dis… les espaces ?
[…] On se rend compte que les points de focus de Mémé, c’est la cuisine et la véranda. Une pièce qui est orange, chaude – la cuisine –, couleur oignon en fait, peau d’oignon, et puis la véranda, plus verte, qui a une lumière un peu autre, un peu diffuse aussi. Voilà, donc ça, ce sont les deux pièces de vie. La chambre où va Jeanne est une chambre qui n’est plus utilisée, qui était peut-être celle de Cécile avant, et le salon c’est pareil. Ce sont deux pièces qui ont été très certainement vivantes et qui sont éteintes au moment du film. La vie faisant, elle change de point de focus. […]
Et c’est un bon prétexte à la couleur aussi, quand on peint, quand on dessine, de se raconter une petite histoire de toutes ces pièces. D’ailleurs la maison, […] elle n’est pas du tout cohérente, parce qu’elle est très fine vue de l’extérieur, et qu’à l’intérieur elle a l’air différente, un peu comme le sac de Mary Poppins ou la tente dans Harry Potter qui semble petite mais qui à l’intérieur est un palace. […] J’avais envie qu’elle ressemble à ça de l’extérieur et à ça de l’intérieur, c’est un choix qui n’est pas « juste » en termes architecturaux, mais j’avais envie de faire ça. […] Ce n’est pas possible mais ce n’est pas grave, comme il y a plein d’autres choses impossibles mais qui arrivent quand même dans le film.
Si je te dis… Arthur H ?
Arthur H, c’est comme Yolande Moreau, j’ai un peu fait ma liste de Noël. Quand je me figurais les personnages, j’imaginais des voix qui pourraient coller. Donc j’ai fait cette petite liste, et je l’ai envoyée aux producteurs.
[…]
Je connaissais sa musique. Je ne sais pas pourquoi, j’ai pensé à lui direct pour la voix de Cloclo. J’avais besoin d’une voix qui rocaille et qui soit une voix assez sensible, pas forcément une voix de violent. Cloclo, il est imposant mais c’est aussi un personnage très introverti – avec son écharpe qui lui cache toujours la bouche –, je pense aussi que c’est un grand timide, dans le fond. Et finalement, je trouvais qu’Arthur H ça pouvait coller.
Si je te dis… des œuvres qui t’ont nourri ?
Globalement, je dirais les films de chez Disney, les films de chez Ghibli, à l’ancienne en fait. Le Roi et l’Oiseau aussi, forcément, de Paul Grimault et Jacques Prévert. […] Je dirais aussi avec L’École des loisirs, tous les Ponti. [Pour] l’univers d’où vient Cloclo, […] j’ai aussi Ma vallée[1], de Ponti, en tête.
Si je te dis… un lien avec ta filmographie ?
Peut-être mon tout premier film, Racines, que j’ai fait en 2013. J’étais aux Gobelins et j’avais très envie de faire un film pendant le stage d’été, en fin de première année. Donc j’ai proposé à des camarades de classe d’essayer de faire un film ensemble. […]
C’est aussi l’histoire d’une petite vieille qui vit dans une drôle de maison. […] Il est assez court, assez contemplatif. Il y a des connexions, je pense. Je me rends compte qu’il y a des choses qui reviennent, des sujets qui restent. Sur la place, sur notre rapport au monde, sur la solitude aussi. […]
Après, c’est aussi le souffle, il y a ce souffle de liberté. La liberté, c’est un truc super important. C’est un peu cliché de dire ça, mais il ne faut pas l’oublier. J’ai l’impression que dès que je rencontre du monde, j’ai envie de parler de liberté. D’expressivité, d’expression de soi. Et l’histoire de Jeanne, c’est aussi ça, c’est-à-dire qu’elle n’a pas forcément un quotidien facile. Comme tout enfant, on vit plein de choses dans notre enfance et ça a des répercussions sur l’avenir. En tant qu’adulte, quand on est un adulte éveillé, on fait un travail de reconstruction en fait. Cela ne veut pas dire que l’enfance soit un travail de destruction, mais vu qu’on découvre le monde, tout est violent ; je veux dire que même les belles choses arrivent avec une brutalité, une crudité. Et c’est d’ailleurs aussi pour ça que j’ai envie d’aborder tous ces sujets. […]
Si je te dis… un dernier mot que tu voudrais partager ?
L’importance des sujets. Et la responsabilité, la responsabilité des auteurs. C’est pour ça que j’ai du mal à écrire la suite aussi, je me sens un peu responsable, parce que je sais que cela peut marquer. Un film, un bouquin… ça peut marquer des enfances, du coup, il faut quand même être vigilant. Cela ne veut pas dire qu’il faille se brider, mais il faut tourner sept fois le stylo sur le papier avant de valider.
Recette de Maman pleut des cordes
Ingrédients : – Des idées. – Un scénario. – Un story-board. – La direction artistique. – Les effets spéciaux et le compositing. – L’enregistrement des voix. – La musique.
Préparation : – Se balader et trouver des idées. Commencer par une phrase, des petites choses qui font rire ou qui touchent, l’inspiration du quotidien. – Écrire, seul d’abord, faire des croquis des personnages. Puis ajouter une scénariste professionnelle, Lison d’Andréa, écrire un séquencier et imaginer le film et ses thématiques, séquence par séquence. Créer enfin le scénario et écrire les dialogues qui caractérisent les personnages. – Pour faire le story-board, mettre tout le scénario en images en dessinant des vignettes au crayon sur papier, comme en bande dessinée. 180 pages de vignettes sont nécessaires pour Maman pleut des cordes. – Trouver ensuite la direction artistique : à quoi ressemblent les personnages, s’ils sont en couleur ou pas, à quoi ressemblent les décors… Concevoir les décors en peinture sur papier et faire des retouches digitales, et dessiner les personnages sur tablette, à animer image par image. – Pour l’enregistrement des voix, s’imaginer en studio chaque scène et son timing, et la décrire aux acteurs pour qu’ils se la représentent et la jouent. « Là, je veux bien que tu la refasses, mais plus lent… avec plus d’hésitation », « Tu es sous la pluie, il y a l’orage, tu as peur, tu cours… C’est parti ! » – Pour la composition musicale, travailler avec Pablo Pico. Définir des humeurs et les décrire : humeur de la relation Jeanne – Cécile (un peu mélancolique), humeur de la forêt et de Cloclo (plus envolée, mystérieuse), humeur de Mémé (assez joyeuse, rythmique)… Écouter les propositions de Pablo et les poser dans le montage pour découvrir les sensations à des moments clefs du film. Écouter les propositions de Pablo et les variations de thèmes sur tout le film, et échanger sur les modifications à faire pour que le film évolue avec ces thèmes. – Déguster à volonté. |
Recherches visuelles et évolution du personnage de Mémé Oignon
Pour créer les personnages, Hugo de Faucompret a réalisé des premiers croquis, et transmis ses idées à Jules Rigolle, concepteur des personnages. Ils ont travaillé en allers-retours, Hugo indiquant ses remarques, et Jules effectuant des modifications en fonction. Le réalisateur a ensuite échangé de la même manière avec Éva Lusbaronian, cheffe animatrice, afin de rendre les personnages plus faciles à animer.
Retrouvez tous les secrets de fabrication du film disponibles sur le site des Films du préau, avec de nombreux visuels et extraits vidéos à télécharger : https://www.lesfilmsdupreau.com/pdfs/atelier_mpc.pdf