THE OLD OAK
TJ Ballantyne est le propriétaire du « Old Oak », un pub situé dans une petite bourgade du nord de l’Angleterre. Il y sert quotidiennement les mêmes habitués désœuvrés pour qui l’endroit est devenu le dernier lieu où se retrouver. L’arrivée de réfugiés syriens va créer des tensions dans le village. TJ va cependant se lier d’amitié avec Yara, une jeune migrante passionnée par la photographie. Ensemble, ils vont tenter de redonner vie à la communauté locale en développant une cantine pour les plus démunis, quelles que soient leurs origines.
Certains diront que Ken Loach joue toujours la même partition, mais il faut bien saluer cela : la capacité d’insurrection permanente de ce cinéaste, son indignation renouvelée pour penser un monde meilleur. À cet égard, et sans mauvais jeu de mots, on pourra dire que THE OLD OAK (« Le Vieux Chêne », en référence au pub qui en est le décor principal) est un bon cru. La force du film, c’est de montrer à la fois les effets dévastateurs d’une politique libérale entamée sous l’ère Thatcher, confrontant de nombreux Anglais à la précarité, et la question de l’accueil des réfugiés par ces mêmes populations. Sans opposer les uns et les autres, et tirant le meilleur parti de la justesse de ses acteurs, Ken Loach montre que la seule voie possible, c’est bien la solidarité du collectif, envers et contre tout.
L’avis de Jackie Willems, bénévole de l’association Cinéma & Cultures :
De nombreux spectateurs se sont rassemblés lors de la soirée adhérents pour assister à la projection en avant-première du dernier film de Ken Loach The Old Oak, un film que le réalisateur annonce comme étant son dernier, et qui, comme d’habitude colle directement à l’actualité anglaise, et trouve bien des échos ailleurs,
Yara arrive dans une petite ville anglaise avec plusieurs compatriotes. L’exil comme seul moyen de fuir la Syrie (en guerre, le sait-on encore ?),
Au milieu du désastre Yara s’adonne à la photographie. Capter des moments de vie, c’est survivre au chaos, d’autant que son appareil est tout ce qui lui reste de son père, probablement dans les geôles de son pays.
La photo, c’est ce qui provoque la rencontre de Yara avec TJ, qui tient l’unique pub du village. Dans l’arrière-salle désafectée de l’établissement s’entasse un fatras en déliquescence, à l’image de l’Angleterre des pauvres qui se désagrège chaque jour un peu plus. Sur les murs, pourtant, TJ a conservé les clichés témoignant de la lutte des mineurs lors des grandes grèves de 1984 et 1985. Leur lutte acharnée pour empêcher la fermeture de la mine sous l’ère thatchérienne s’est soldée par un échec.
Ces clichés, c’est le temps qui s’est est arrêté, la vie qui s’est bel et bien figée dans une Angleterre livrée à la misère.
La mine, à défaut de procurer à chacun une belle existence, accordait aux gueules noires dignité et sentiment d’appartenance à une communauté. L’arrière salle du pub constituait un lieu de restauration pour les familles des travailleurs en lutte ne pouvant plus subvenir à leurs besoins; c’était aussi un lieu de convivialité: «When we eat together, we stick together »….Lorsque nous mangeons ensemble, nous sommes unis…..
A l’heure des Enfants du vide, comme l’écrit Raphaël Glucksmann, dans le village comme ailleurs le collectif a fait place à la méfiance, à la haine de l’étranger à laquelle se heurtent les réfugiés.
L’amitié entre Yara et TJ finira par donner lieu à une négociation avec le quotidien; des liens se tisseront devant le malheur. Quoi de plus magnifique, justement, que la réalisation par les femmes syriennes de la bannière des mineurs portant les devises qui leur donnaient jadis foi et espoir?
Ken Loach n’a cessé depuis 50 ans de dénoncer les dégats causés par un libéralisme débridé.
Malgré l’état du monde il laisse encore entrevoir un avenir meilleur.
Quel punch à 87 ans! Quel talent pour dénicher des acteurs d’une telle authenticité!
Merci au cinéaste et au scénariste Paul Laverty de promouvoir un idéal que l’image en mouvement peut encore restaurer.
Nous en avons réellement besoin.