RENDEZ-VOUS AVEC POL POT
Sélection Officielle Festival de Cannes 2024 – Cannes Première
1978. Depuis trois ans, le Cambodge, devenu Kampuchéa démocratique, est sous le joug de Pol Pot et ses Khmers rouges. Le pays est économiquement exsangue, et près de deux millions de Cambodgiens ont péri dans un génocide encore tu. Trois Français ont accepté l’invitation du régime et espèrent obtenir un entretien exclusif avec Pol Pot : une journaliste familière du pays, un reporter photographe et un intellectuel sympathisant de l’idéologie révolutionnaire. Mais la réalité qu’ils perçoivent sous la propagande et le traitement qu’on leur réserve va vont peu à peu faire basculer les certitudes de chacun.
SAMEDi 8 JUiN À 20H30
Séance spéciale en présence de la comédienne Irène Jacob
Crédits photo © Richard Schroeder
Passionnée de théâtre, Irène Jacob fait une première apparition au cinéma dans le film AU REVOiR LES ENFANTS de Louis Malle, en 1987. En 1991, elle incarne l’héroïne de LA DOUBLE ViE DE VÉRONiQUE de Krzysztof Kieslowski, pour lequel elle obtient le prix d’interprétation féminine à Cannes. Elle tournera ensuite dans TROiS COULEURS-ROUGE, dernier volet de sa trilogie renommée. Parallèlement à sa carrière de comédienne, elle a également chanté en duo avec, entre autres, Jeanne Cherhal, Vincent Delerm et avec l’Orchestre national de jazz.
L’avis sur le film de Jackie Willems
Un rêve trop grand
L’idéal révolutionnaire, un rêve démesuré dont une certaine pensée occidentale ne se remet pas.
De film en film, Rithy Panh cherche à recenser ce qui advint au Cambodge, devenu le Kamputchéa démocratique entre 1975 et 1979 . Au final, deux millions de morts, des vies brisées, des liens familiaux détruits au nom d’un dogme.
Cette fois il ne s’agit pas d’un documentaire mais d’une fiction basée sur le livre d’Elizabeth Becker Les larmes du Cambodge. L’histoire d’un auto-génocide.
A quoi les hommes peuvent-ils encore rêver lorsque la révolution se révèle meurtrière à force de chercher l’individu parfait, c’est à dire pour les Khmers rouges, un être dénué de sentiments, de priorités affectives, de compassion, de tout ce qui fait d’un individu un être humain?
La question se pose plus tragiquement à celui des trois protagonistes venus pour rencontrer Pol Pot. Au nom d’un idéal marxiste, l’universitaire refuse de renoncer à son rêve d’une société plus juste, tout comme à tout jugement . Cédant à l’aveuglement, il ne peut mettre en doute son amitié pour Frère Numéro 1, avec qui il s’était lié lors d’études communes à Paris. .
Un autre visiteur, reporter photographe celui-là, ne se reconnaît qu’une vocation: rendre compte de la vérité avec exactitude, quelque soit le prix à payer pour lui ou pour les autres.
Le trio de journalistes compte également une femme grand reporter, spécialiste du pays. Celle-ci ne transige pas dans sa recherche de la verité, mais jamais au détriment de la solidarité ou de la fidélité à ses collègues.
Le film s’inspire d’un chapitre du livre de Elizabeth Becker, elle-même grand reporter au Washington Post. Américains dans le livre, ses personnages sont devenus français dans le film.
Dans un documentaire précédent, L’image manquante, Rithy Panh avait utilisé des statues d’argile pour conduire son récit. Ici il a recours par intermittence au même procédé mais y ajoute des images d’archives qui viennent compléter un récit fictionnel lacunaire incarné par les acteurs. Similitude avec le fonctionnement de la mémoire ? Affirmation de l’impossibilité de rendre compte de la véracité des faits dans un régime fondé sur le mensonge ?
C’est un réel défi que le cinéaste s’est proposé de relever pour évoquer ce moment où l’histoire s’est fracassée.